Soirées culturelles du 16 et 17 juin 2022

Trente-huit degrés à l’ombre en cette fin d’après-midi du jeudi 16 juin aux Antys. De retour parmi nous pour la troisième fois, Jacques Bernaert s’avance, violoncelle en main, et s’installe à côté de la fenêtre ouverte du salon, devant la bibliothèque, face à une trentaine de personnes qui ne savaient pas trop à quoi s’attendre. Une vague de chaleur débilitante plane sur la région. Annuler ? Pas question. Cinquante invités nous ont répondu, mais les plus fragiles ne sont manifestement pas là. On attend un peu, sans trop y croire. Le doute s’installe, c’est surhumain. Au programme, les six suites de Bach pour violoncelle, étalées sur deux journées consécutives. 
 

« Vous voulez laquelle, pour commencer ? », demande Jacques, optant finalement pour la deuxième au terme d’une introduction nuancée à l’œuvre et à sa place dans le répertoire. Pas évident de saisir l’articulation musicale de ce mégalithe du répertoire classique. Composées quelque part entre 1717 et 1723, à la cour du prince Léopold d'Anhalt-Köthen, les six suites sont écrites dans les tonalités suivantes :

    Suite no. 1, BWV 1007, en sol majeur 
    Suite no. 2, BWV 1008, en ré mineur
    Suite no. 3, BWV 1009, en do majeur 
    Suite no. 4, BWV 1010, en mi bémol majeur 
    Suite no. 5, BWV 1011, en do mineur 
    Suite no. 6, BWV 1012, en ré majeur

Chaque pièce est composée d’une suite de danses, d’inspiration folklorique, dont quatre sont traditionnellement obligatoires :

    l’allemande - au tempo modéré et au rythme à deux ou quatre temps 
    la courante - morceau avec reprises, à 3 temps, précédés d’une levée, et de tempo assez vif 
    la sarabande - danse lente et forte, de coupe binaire avec reprise, à trois temps sans levée 
    la gigue - danse à quatre temps

Bach y ajoute un prélude et des « galanteries » (menuet, bourrée ou gavotte) entre la sarabande et la gigue. Les difficultés techniques augmentent très vite et le tout représente entre 2h15 et 2h45 de musique, selon le nombre de reprises choisies par l’interprète. 
 
 

Nous voici donc embarqués dans un voyage turbulent, chorégraphié par le maître de danse sans pitié (Bach) auquel Jacques Bernaert va se confronter d’une main sûre, avec une force qui permet de révéler l’œuvre dans tous ses contrastes. Rien n’échappe à son interprétation engagée, sans filet, où une technique de concertiste de haut-niveau se révèle sans ambiguïté à travers la virtuosité déployée tout au long des passages impassables de la 4ᵉ et 6ᵉ suite (répétée le deuxième jour pour conclure le défit sur une note héroïque). 
 
 
À l’origine, l’intention était de jouer les préludes séparément, en déambulation sur plusieurs étapes au bord du gave d’Oloron, à Sauveterre. Mais la canicule nous a forcé à changer nos plans. Nous sommes donc allés nous réfugier dans les murs épais de l’église du XIᵉ siècle, puis au temple protestant, gentiment mis à notre disposition pour pallier aux conditions adverses. L’acoustique de l’église, plus résonnante, se prêtait bien à l’atmosphère sombre et la tonalité mineure mise en évidence dans la 5ᵉ suite.

Je pense que tout le monde a été agréablement surpris par l’ambiance conviviale et le niveau musical stratosphérique de cette édition des soirées culturelles organisées par Christine. Elle mérite nos remerciements. 
 
 



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