Soirée culturelle du 24 juillet 2021

Dans le cadre des manifestations culturelles de cet été, nous avons pu reprendre les activités musicales de l’an passé avec une fréquentation légèrement en hausse par rapport à nos attentes. Un peu plus d’une quarantaine de personnes sont arrivées samedi 24 juillet à 17:30 pour assister à un récital de violoncelle et se réunir autour d’un apéritif dînatoire très réussi, notamment grâce à la participation enthousiaste du public. Les derniers invités nous ont quittés à la tombée de la nuit, vers 22h. 
 

Par une fin d’après-midi ensoleillée, mais pas trop chaude, les spectateurs se sont installés sur l'esplanade, à l’ombre d'un grand magnolia situé face à l’entrée du bâtiment principal des Antys. Ils accueillaient le violoncelliste Jacques Bernaert, déjà entendu ici l’an dernier et venu cette fois avec un programme plus que généreux, dont voici l’affiche :

- Partita en ré mineur BWV 1013, de J.S. Bach 
  ( allemande / courante / sarabande / bourrée anglaise ) 
 
- Suite 1 en sol majeur BWV 1007, de J.S. Bach 
  ( prélude / allemande / courante / sarabande / menuets / gigue ) 
 
- Suite 2 en ré mineur BWV 1008, de J.S. Bach 
  ( allemande / courante / sarabande / menuets / gigue )
 
- Suite for cello Op. 72, de Benjamin Britten 
  ( canto primo / fuga / lamento / canto secondo / serenata / marcia / canto terzo / bordone / moto perpetuo / canto quarto )

Programme complété en rappel par la sarabande de la Suite No. 5 en ré majeur de J.S. Bach. 
 

En ouverture, Jacques s’est lancé tout droit dans la Partita en ré mineur de J.S. Bach, œuvre composée à l’origine pour flûte seule, dans une tonalité différente. Après avoir travaillé sur cette partition pendant le confinement, il avait décidé de jouer cette pièce en public. L’occasion de notre récital lui parut propice, mais il avoua après coup qu’il manquait encore d’aisance et de fluidité dans cette addition à son répertoire. Je vous en donne quelques courtes bribes : 
 


 
Fluidité aisément retrouvée dès les numéros suivants, où s’imposait une maîtrise développée sur une période de plus de 20 ans, déjà concrétisée par un enregistrement des trois premières suites de J.S. Bach, au Prieuré du Sauvage (Aveyron), en 2002,  disponible sur Amazon 
 
 


Il est bon de rappeler que les suites de Bach pour violoncelle furent considérées pendant très longtemps comme une série d’exercices, puis comme des pièces à présenter en concours. C’est à Pablo Casals que l’on doit leur émergence au sein d'un répertoire prisé par les concertistes. Les trois premières suites sont les moins difficiles (tout est relatif) et leur structure traditionnelle, inspirée par la danse et le folklore, porte l’auditeur vers un monde ordonné, plutôt austère, où le violoncelle dévoile toute sa versatilité. 
 

 
Impressionné par le caractère pastoral du Bearn, Jacques a suggéré qu’il serait partant pour donner une lecture musicale complète des 6 suites de J.S. Bach, sous forme d’une pérégrination champêtre, en 6 endroits différents au cours de la même journée. Avec tout de même un pique-nique pour se sustenter entre la troisième et la quatrième suite. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : les six suites peuvent être interprétées comme un rituel !

Écrite en 1964 et créée au festival d'Aldeburgh par Mstislav Rostropovitch, la Suite pour violoncelle no 1 en sol majeur op.72 de Benjamin Britten devait faire partie d’un cycle composé de six pièces, sur le modèle de celles de J.S. Bach, avec l’inclusion d’une partie fuguée dans chaque suite. La maladie empêcha Britten de compléter son projet. Je vous en laisse un aperçu, en soulignant que le public a beaucoup apprécié cette œuvre plus moderne. 
 

 
Merci à Jacques Bernaert pour son énergie communicative, la richesse du programme, et son violoncelle magique.

Je me permets d’ajouter un courriel dithyrambique de notre ami Pierre-Marie, qui livre ses impressions de la soirée :

Chère Christine et Cher Michael, 
Quelle formidable initiative pour faire vivre votre lieu d’exception qui, on le comprend, ne se sera pas suffi d’un piètre amusement ! 
Là, cet après midi de rêve du 24 grâce à votre talent, à votre expérience et à un singulier courage, vous nous avez offert une réjouissance à la hauteur, tant du présent des Antys qu’à ce qu’on peut encore imaginer de leur passé hautement distingué. Vous avez, avec l’esthétique du violoncelliste et son noble instrument se silhouettant sur l’espace profond de la majestueuse porte en haut du perron, donnés un décor inouï à ce concert, multipliant le raffinement jusqu’à agiter la secousse d’un frisson avec Bach et atteindre un degré élevé de silence de l’assistance attentive pour un Benjamin Britten plus déconcertant mais qui traduisait bien une sorte d’état de grâce où vous nous aviez tous emporté en communion tout là-haut ou tout là-bas. Il y a pour réaliser ce tour de force de la beauté, la nécessaire conjonction d’un faisceau d’éléments rarement réunis. Le plus réussi de vos paris est d’avoir donné ce concert à l’extérieur et de nous avoir installé sous l’ombre du vénérable magnolia et son filet d’air bien venu pour quelques cardiaques que le stress a usé prématurément. 
Le son de l’instrument, ce qu’est capable d’en extraire votre ami à l’exceptionnel talent maîtrisé, dans un registre si étendu et le son qui nous parvenait, était d’un grand naturel, bien épuré de tout artifice d’amplification, ne nous donnant à apprécier que ses cordes vocales légères ou profondes et leur tendre raucité si touchante et si sensiblement humaine, tel que joué ainsi sans excès de vibratos faciles. Mais les mots sont depuis toujours infirmes à dire l’émotion musicale plus que d’un autre art. De là cette curiosité avouable et cette question qui reste en suspens : concevait-on des instruments pour l’extérieur distincts de ceux faits pour l’intérieur en ces époques où tout était lustre et souci de volupté. [...] 
Preuve que même pour un compliment d’une absolue sincérité, on ne peut pas rester sérieux plus de dix lignes. Tiens sérieusement. Il y en a un qui doit beaucoup à Bach… c’est Dieu. Et nous on vous doit beaucoup, car la mémoire que les hommes gardent de leurs souffrances est courte quand celle qu’ils ont de leurs moments de bonheur est persistante jusque dans les albums d’images et de notes bien mentalisées. 
Un très grand merci pour ces heures brillantes et rares
 

 

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