La vermine

Dans nos parages, à Salies, le paysan attend patiemment les gelées hivernales pour être débarrassé de la vermine qui grouille sous un climat local particulièrement humide, sans doute favorable à son essor. Dans le cadre d’une catégorisation plus vaste, ramenée à la vie en général, nous sommes tous la vermine de quelqu’un d’autre, mieux placé dans la hiérarchie des êtres aimés des dieux. 
 
 


Notre aptitude innée à diaboliser quelques bestioles affamées afin de justifier leur éradication, paraît surprenante à première vue, mais correspond parfaitement à l’état d’esprit du citoyen moderne bien pensant aux prises avec une espèce gênante. Dans l’article précédent, j’ai donné l’exemple du joueur de flûte de Hamelin, conte médiéval qui décrit une situation où les notables de la ville cherchent à se débarrasser d’une meute de rats installés dans leur cité. 
 
 


 
Celui qui commande aux rats est quelqu’un de très dangereux. Il a accès à des méthodes radicales qui s’exercent hors des normes développées par ceux qui cherchent à ordonner la vie. Gérer des infestations de rats est concevable avec ou sans l’aide du joueur de flûte, mais qu’en est-il de ces vermines encore plus envahissantes, formées d’organismes auxquels on donne le nom de virus ? La plupart des spécialistes affirment qu’ils ne sont même pas vivants. Comment peut-on tuer ce qui ne vit pas ? 
 
 


Dans les limites d’une science qui définit la vie par sa capacité à se reproduire, le virus n’existe que par symbiose. En tant qu’agent infectieux, il a besoin d’un hôte (en général une cellule) dont les constituants et le métabolisme assurent sa réplication. Sournois comme tout, il recombine sa signature génétique et évolue par des mutations qui le rendent insaisissable. Ceci-dit, il échappe facilement aux thérapeutes d’avant-garde, guidés par les préceptes d’un jacobinisme étroit, prisé par les classes dominantes. Jacobinisme qui cherche à éliminer tout ce qui menace sa souveraineté et ses valeurs (dites républicaines), où la liberté, l’égalité et la fraternité ne s’appliquent qu’à un petit cercle de parasites zélés, dédiés à l’exploitation de l’autre et la pratique barbante de l’entre-soi. 
 
 

 
Pour combattre cette vermine à l’échelle globale, il faut évidemment se débarrasser de ceux qui la propagent. Stade parfois difficile à franchir, puisqu’il s’agit de redéfinir le défi en faisant un amalgame entre le virus et celui qui le transporte. Le pestiféré moderne est un animal contagieux qui ne doit en aucun cas être assimilé à l’espèce saine. Sa neutralisation individuelle, avec ou sans vaccin, devient indispensable.

Les mécanismes de la répression s’enclenchent automatiquement dès que l’élite en place se sent menacée par un élan populaire dont l’arrivée s’annonce par une résistance tout aussi virale. Aux abords de la cité, la panique se manifeste par un besoin viscéral: celui d’endiguer l’information qui va tout remettre en question. La maladie n’est qu’un symptôme, une remontée à la surface de quelque chose de bien plus grave. Elle annonce que la parole faisant autorité n’a plus aucun sens. La vermine ne ronge que ce qui est déjà à un stade de décomposition avancé. Plus la pourriture s’installe, plus elle fournit de nourriture aux bactéries dont le génome intègre les données reçues par transcriptase inverse (RT). Phénomène dont l’évolution mortifère ne s’arrêtera que sous l’influence d’une musique magique ou par l’abandon de la cité panoptique, conquise par le virus. 
 
 

 
Attendons le printemps pour voir si la vermine a été éradiquée.

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