Inéluctable transformation

Il s’agit évidemment de la transformation sociale en cours, qui s’effectue sous nos yeux sans que nous ne puissions en bloquer les rouages ou arrêter la machine infernale lancée par la cité panoptique. Dans ce contexte je m’empresse de souligner l’incohérence des réactions individuelles face aux multiples crises qui se déroulent depuis le début de l’année. Il fut un temps (il n’y a pas si longtemps) où le logos, conçu en tant qu’instrument de la raison, s’exprimait en premier lieu par un discours cohérent. En privilégiant l’aspect classique de la démarche cognitive, on débouchait non pas sur une science spécialisée, dédiée à la formulation de vérités incontournables, mais sur la voie d’une transparence indispensable à la formulation d’un jugement consensuel. 
 

 Or c’est bien cet élément manquant qui interpelle et qui dérange dans le cas des positions adoptées pour gérer la crise du COVID-19. Le recours incessant à l’état d’urgence, justifié par un sophisme à peine déguisé, ne surprend même plus. Nous avons affaire à un conseil scientifique qui ignore ouvertement les données qui ne lui conviennent pas, et ceci dans le but d’arriver à des conclusions anxiogènes souhaitées par la classe politique et ses sponsors. Il est important que les gens ne puissent plus se rassembler ou participer à des manifestations. Tous les prétextes sont bons. Si la courbe de mortalité ne justifie plus l’état d’exception, on passera vite à un dépistage massif, histoire d’obtenir un taux de contamination élevé. Les séances de prestidigitation quotidiennes, relayées dans le cadre d’un spectacle sidérant, permettent d’endiguer la critique.

Il est évident qu’aucune solution acceptable ne se profile à l’horizon. L’espoir d’un retour à la normale n’est pas exclu pour autant. Mais ce ne sera pas pour demain. Il faudra apprendre à « vivre avec ». Le vaccin ? Au printemps prochain, peut-être… En attendant, la crise économique se dirige vers les indépendants, et si la politique en vigueur persiste, il n’y aura bientôt plus de petits commerces. Dans la population générale, il ne restera que des fonctionnaires serviles salariés par l’État, et une sous-classe exploitée par les multinationales géantes, placées en situation de monopole. Plus de cafés, plus de restaurants, plus de rassemblements cultuels, culturels ou sportifs, plus de classes traditionnelles pour les étudiants, plus de contacts entre amis ou en famille : bref, un désert social apocalyptique. 
 

Au fur et à mesure que la pression augmente, les gens s’alignent sans discuter sur des politiques liberticides, démission qui convient parfaitement aux gestionnaires vertueux de nos prisons mentales. Sans attendre, ils nous imposent leurs directives contraignantes et comptent sur notre retenue pour resserrer le carcan. Jeremy Bentham (1748-1832), pionnier incontesté du consensualisme bien-pensant et père spirituel de la société de surveillance moderne, a ouvert la voie. En bonus, il nous a gentiment laissé un traité de 80 pages sur la Défense de l’usure, encore disponible en anglais sur Amazon. C’est à Jeremy Bentham que l’Angleterre doit la prison de Millbank, conçue sur le modèle panoptique (voir le plan en début de texte). « Après de nombreuses années de refus, de difficultés politiques et financières, il parvint à obtenir l'accord du Parlement britannique et, agissant au nom de la Couronne d’Angleterre, racheta en 1799 les terrains de Millbank au marquis de Salisbury pour 12 000 £ pour la construction du nouveau pénitentiaire national de Grande-Bretagne ». 
 

On n’arrête pas le progrès ! À présent les GAFA, l’argent, les médias, Big Pharma et les cinquièmes colonnes incrustées dans les ministères : travaillent tous sans relâche à l’incarcération psychique de la planète. Politique inaugurée à l’échelle mondiale le 11 septembre 2001, date historique dans le calendrier des transformations irréversibles. Depuis, le retrait progressif des libertés individuelles n’a fait que progresser dans la direction voulue par l’élite. Un traumatisme collectif donne toujours de bons résultats.

Hollywood n’est d’ailleurs pas à la traîne dans cette marche forcée vers l’incohérence programmée. Succursale attitrée des officines occultes qui dispensent leurs valeurs révolutionnaires à l’humanité nécessiteuse, les studios du 7ᵉ art attribuent des budgets gigantesques à certains films à grand spectacle, où des héros futuristes imaginaires s’en prennent aux méchants qui veulent anéantir l’espèce humaine. J’y reviens après avoir vu Tenet, le dernier film-mystère de Christopher Nolan, réalisé pour la somme modique de 225 millions de dollars. La science du futur y inverse l’entropie. Elle permet ainsi d’opérer en dehors des restrictions imposées par le temps.

En fouinant, j’ai déniché un compte-rendu intitulé « T’es net ? », publié par un personnage peu enclin à se ranger parmi les esprits qui ne voient dans le film qu’un 007 dopé à la physique quantique. (https://unodieuxconnard.com/2020/08/28/tes-net/). Le texte vaut la peine d’être lu, même si on n’a pas l’intention d’aller voir le film. En voici un court extrait : « Alors, réussite surprise ou montagne d’incohérences drapée d’un tissu d’autosatisfaction ? Intrigue à sens multidirectionnel ou qui n’a aucun sens, oui, mais dans tous les sens ? Et surtout, si je pouvais revenir en arrière, pourrais-je dé-regarder ce film ? »

Ce qui m’a frappé dans Tenet, au-delà de son intrigue futuriste hachée, c’est le besoin d’y introduire un ésotérisme lié aux correspondances palindromiques du carré magique SATOR : 
 

Peut-être fallait-il montrer que la mythologie moderne avait compris quelque chose au mécanisme traditionnel des cycles cosmiques. Lorsque la roue tourne et que le temps se déroule de manière cyclique, le futur proche n’est qu’une répétition d'un passé lointain. Chez Christopher Nolan, la disposition des lieux magiques, autour desquels se joue la fin de l’Histoire, s’adapte à un schéma figuratif étonnamment cohérent. On y découvre, le pentagone, dont la forme géométrique sert de modèle aux bâtiments conçus par l’architecte ROTAS pour que les grandes fortunes puissent venir y déposer leurs collections d’art : directement, en toute sécurité et à l’abri du fisc. Avec ses multiples périmètres de sécurité, le pentagone demeure un lieu sûr. C’est pour ça qu’il y en a un à Washington, aux États-Unis, construit pour abriter l’état-major de l’armée américaine. Le modèle de base se découvre dans le tableau du « Camp des Princes » du 32e degré de la Maçonnerie écossaise. Tableau qui se réfère à la composition des armées qui partiront à la reconquête de Jérusalem, sous les ordres de leurs chefs, dûment installés dans l’enceinte pentagonale. 
 

ROTAS (l’architecte) et SATOR (le méchant) sont bien entendu de mèche (l’un est le reflet palindromique de l’autre), et c’est un tableau de maître copié par le falsificateur AREPO, peintre de l’œuvre (OPERA) achetée par SATOR sur les conseils de sa femme, qui va finir par dévoiler ce qui se cache à l’intérieur du pentagone (un tourniquet permettant d’inverser le mouvement des objets et des humains dans le temps). L’existence du faux tableau rend Kat, la femme de SATOR, vulnérable au chantage. Ce dernier cherche à la séparer de leur fils Maximilien, héritier du monde futur. Sur ce, arrive le « protagoniste », combattant de premier rang de TENET (organisation issue des puissances non-duelles du « principe »), envoyé pour déjouer le complot apocalyptique organisé contre l’humanité. Il va lancer l’action.

Kat, experte en art, autrefois proche du mystérieux AREPO, devient la première cible significative du protagoniste. Il l’approche pour qu’elle l’introduise à son mari, SATOR, mandaté par des inconnus pour retrouver et assembler les 9 pièces de l’algorithme, conçu pour inverser l’entropie au niveau planétaire et déclencher ainsi la fin du monde. Les 9 pièces, cachées dans les zones de sécurité des arsenaux atomiques des 9 puissances nucléaires de l’époque, ont été réparties dans ces centres par leur inventeur (une femme du futur). Le chiffre 9 est significatif. Il représente le retour du multiple à l’unité, comme nous allons le voir.

Le protagoniste se présente chez Kat avec un faux Goya, copié autrefois par AREPO, et récupéré par les services secrets anglais qui le lui ont prêté. Il demande à Kat de l’authentifier, mais Kat comprend tout de suite que quelque chose ne va pas. Elle lui demande d’où provient le tableau. De fil en aiguille, le protagoniste en arrive à AREPO et à la transaction illégitime (l’achat du faux tableau par SATOR pour 9 millions de dollars) qui sert de prétexte à SATOR pour contrôler sa femme. Kat comprend vite que le protagoniste n’a jamais connu AREPO, ni communiqué avec lui. Le dialogue laisse entendre qu’AREPO est un être désincarné (un transhumain du futur ?). Mais où se trouve donc le tableau acheté par SATOR ? Dans une salle privée, à l’intérieur du pentagone construit sur les lieux de l’aéroport d’Oslo. Le protagoniste propose à Kat d’aller le récupérer en échange d’une introduction à son mari. 

                                                     

En fin de compte les forces de TENET partent à l’assaut du pentagone, dont ils neutralisent la sécurité grâce à un avion de ligne qui s’écrasera sur la première enceinte. Si le scénario rappelle celui du 11 septembre 2001, en version bande dessinée, ce n’est par hasard. La numérologie associée à l’état d’urgence apocalyptique vient de là. 911 est le chiffre qu’il faut composer pour appeler les urgences partout aux États-Unis. Dans la scène du pentagone, le commando terroriste responsable de l’opération (guidé par l’ingénieux Mahir) travaille pour TENET.

Sans se perdre dans les détails, il est temps de revenir au carré SATOR, utilisé par Christopher Nolan pour donner un sens à ses « inversions ». En partant du N de TENET en direction des quatre branches de la croix centrale, on découvre le mot anglais NET, et en sens inverse le mot TEN, combinaisons qui dévoilent la relation entre le « réseau » atemporel du monde de l’information (le NET, où s’enregistrent les activités passées, accessibles aux gens du futur, leur permettant d’intervenir par inversion au bon endroit et au bon moment) et la durée symbolique du combat entamé pour clore le cycle cosmique. L’existence même du NET, indique que nous sommes entrés dans la phase finale du cycle. Les méchants, au service du futur, vont-ils gagner en détruisant l’humanité responsable de la destruction de la biosphère ? À la fin du film, il ne reste que 10 minutes pour sauver la planète et disperser les 9 pièces de l’algorithme dévastateur. TENET y parvient, mais le danger persiste. L’algorithme est toujours là. Il faudra cacher ses composants pour qu’ils ne puissent pas être retrouvés et assemblés par les justiciers du futur.

La lettre N (nûn, dans la langue du terroriste arabe Mahir, qui percute le pentagone avec l’avion) se trouve à la croisée des chemins sillonnés par les caractères de TENET. Dans Les mystères de la lettre nûn, René Guénon nous explique pourquoi :

« Revenons maintenant à la forme de la lettre nûn, qui donne lieu à une remarque importante au point de vue des relations qui existent entre les alphabets des différentes langues traditionnelles : dans l’alphabet sanskrit, la lettre correspondante na, ramenée à ses éléments géométriques fondamentaux, se compose également d’une demi-circonférence et d’un point ; mais ici, la convexité étant tournée vers le haut, c’est la moitié supérieure de la circonférence, et non plus sa moitié inférieure comme dans le nûn arabe. C’est donc la même figure placée en sens inverse, ou, pour parler plus exactement, ce sont deux figures rigoureusement complémentaires l’une de l’autre ; en effet, si on les réunit, les deux points centraux se confondant naturellement, on a le cercle avec le point au centre, figure du cycle complet, qui est en même temps le symbole du Soleil dans l’ordre astrologique et celui de l’or dans l’ordre alchimique. De même que la demi-circonférence inférieure est la figure de l’arche, la demi-circonférence supérieure est celle de l’arc-en-ciel, qui en est l’analogue dans l’acception la plus stricte du mot, c’est-à-dire avec l’application du "sens inverse" ; ce sont aussi les deux moitiés de l’"Œuf du Monde", l’une "terrestre", dans les "eaux inférieures", et l’autre "céleste" dans les "eaux supérieures" ; et la figure circulaire, qui était complète au début du cycle, avant la séparation de ces deux moitiés, doit se reconstituer à la fin du même cycle. On pourrait donc dire que la réunion des deux figures dont il s’agit représente l’accomplissement du cycle, par la jonction de son commencement et de sa fin, d’autant plus que, si on les rapporte plus particulièrement au symbolisme "solaire", la figure du na sanskrit correspond au Soleil levant et celle du nûn arabe au Soleil couchant. D’autre part, la figure circulaire complète est encore habituellement le symbole du nombre 10, le centre étant 1 et la circonférence 9 ; mais ici, étant obtenue par l’union de deux nûn, elle vaut 2 x 50 = 100 = 10², ce qui indique que c’est dans le "monde intermédiaire" que doit s’opérer la jonction ; celle-ci est en effet impossible dans le monde inférieur, qui est le domaine de la division et de la "séparativité", et par contre, elle est toujours existante dans le monde supérieur, où elle est réalisée principiellement en mode permanent et immuable dans l’éternel présent. »

Il y aurait encore beaucoup à dire sur le film lui-même, mais ce qui compte au fond c’est le but de l’exercice. Dans le contexte des transformations sociales en cours, il s’agit d’une simulation prédictive du combat final, où la jonction des deux moitiés de l’ « Œuf du Monde » s’envisage sous l’angle d’une inversion massive, susceptible de tout détruire. La nature liquide du « monde intermédiaire », où la cohérence s’établit, se déduit de la figuration de la lettre N dans l’alphabet hiéroglyphique égyptien, où elle est représentée par un filet d’eau, symbole du domaine de cohérence où l’information est stockée. 
 

En conclusion, il faudrait citer la réflexion qui résume le mieux les enjeux de l’inéluctable transformation. Tenet les aborde à sa manière :

« Si l’on souhaite vivre en bonne harmonie avec soi-même bien sûr mais aussi avec son environnement, il convient d’examiner avec soin tout acte générateur d’information, car selon le second principe de la thermodynamique et selon la théorie de l’information, l’information est une chose qui à l’instar de l’entropie peut toujours être créée mais jamais détruite. L’univers possède donc une excellente mémoire et comme il forme un tout indivisible, avec l’eau comme médiatrice des interactions, tout acte injuste envers notre environnement nous reviendra un jour ou l’autre en pleine figure. » (Marc Henry, L’eau morphogénique — santé | information et champs de conscience, 2020, p. 210)

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