Le fantôme se souvient

J’avais raison… La ville de San Francisco, légèrement en retard sur la France, se trouve quand même à l’avant-garde du quadrillage en ces premiers jours du grand déconfinement. Voici l’agencement des cellules créées durant le Memorial Day week-end sur l’esplanade verte du Dolorès Park, située dans le quartier le plus cool de la ville.


S’il reste un semblant de civilisation dans 100 ans, les gens regarderont ces images en se demandant comment une idée pareille a pu faire son chemin dans l’esprit des foules. Car il s’agit bien de reconnaître une pathologie qui doit être étudiée dans le cadre des maladies mentales, et non d’un comportement naturel face à un risque d’infection quelconque. Belle image d’un public formaté (comme un disque dur) et prêt à servir de support aux programmes qui ne manqueront pas de suivre.


Observons la répartition d’ensemble, composée de cellules uniformément distribuées. Elle rappelle l’architecture de base de la cité panoptique. Sauf qu’ici les distances entre les cellules se calibrent toutes seules au vu des paramètres de distanciation sociale à respecter. Modèle solide, à grille restrictive adaptable en temps réel, forcément extensible à d’autres types d’urgences. Le tout repose sur une dissémination savante de la peur et de sa gestion en fonction de l’objectif à atteindre. Au final il n’y aura même plus d’objectif. Une adaptation moderne de la clochette de Pavlov, munie de tonalités diverses (en version numérique), suffira pour contrôler l’essentiel des comportements.

Pour mettre un tel système en place, il a fallu d’abord élever la « terreur » (peur virale) au statut de moteur de l’action collective. Dans la phraséologie normative du monde de l’ordre issu du chaos, il est toujours urgent de combattre la terreur. Des éléments associatifs renforcent le message dès que le sujet est abordé. Aux États-Unis, par exemple, lorsque les médias se réfèrent au 11 septembre 2001 pour quelque raison que ce soit, ils parlent du 911, chiffre qui correspond au numéro d’appel des urgences dans tout le pays. Il s’agit vraisemblablement d’une coïncidence, mais elle renforce parfaitement l’idée d’urgence dans ce contexte précis. Des réflexions toutes aussi pertinentes pourraient s’appliquer au symbolisme du masque, objet magique, qui nous protège de la propagation de ce qui doit être combattu d’urgence.



Dans notre société contemporaine, où le pouvoir a tendance à se manifester par un flicage sans faille, il faudrait revenir à la légende d’Argos, dit Panoptès (« celui qui voit tout »), consignée dans les annales de la mythologie grecque. Elle permet de mieux comprendre la nature de l’action qui libère. L’oppression la mieux organisée a des points faibles. Il faut apprendre à mieux les connaître.


Ceux qui nous proposent nos choix et nous surveillent en permanence, nous manipulent en créant un langage et des images qu’ils nous imposent. Ils sont parfaitement au courant de ce que nous désirons, mais ce n’est pas ce qu’ils veulent. L’Olympe, aujourd’hui comme hier, est régie par des lois et des coutumes très strictes. Pour saisir comment le pouvoir se gère, là-haut, il faut se pencher sur les mythes visant ceux qui le détiennent.

C’est Héra, l’épouse de Zeus qui préside sur ce monde étouffant et contraignant, immergé dans le luxe et les querelles d’oligarques. Connue à l’époque antique comme la « Reine des cieux », elle régnait déjà sur l’Olympe bien avant son mariage avec Zeus. Le pauvre Zeus ne supportait pas les contraintes arbitraires instaurées par les règles établies (premier symptôme d’un être en quête de liberté, quel que soit son rang dans la hiérarchie) et partait se distraire, dès que possible, chez les humains. Là, il repérait une jeune fille intéressante, s’accouplait en cachette avec elle, et enfantait des demi-dieux : exercice de libre arbitre évidemment gênant pour son épouse et les autres dieux, car il dissipait le pouvoir absolu de l’Olympe et le transmettait furtivement au genre humain. La notion même de demi-dieu était aussi intolérable en ces temps, que celle d’un homme libre l’est aujourd’hui.


Zeus (à ne pas confondre avec le Jupiter d’une époque plus tardive) est celui qui engendre l’esprit de révolte. Par son comportement subversif, il affaiblit l’institution d'un mariage de classe incestueux, placé sous la protection de Héra. C’est par ces liens consanguins que l’élite se maintient au pouvoir depuis des lustres. L’épouse de Zeus, connue pour ses scènes de jalousie et la détermination froide avec laquelle elle poursuit les conquêtes terrestres du maître de l’Olympe, est la véritable détentrice du pouvoir. Le personnage d’Argos apparaît dans une de ces escapades amoureuses, où figure Io, une belle jeune fille que Zeus ne tarde pas à séduire pour en faire sa maîtresse. Héra surveille son époux. Elle apprend tout et Zeus décide de transformer Io en génisse afin qu’elle puisse échapper à la vindicte de son épouse. Pas dupe, Héra exige immédiatement que la génisse lui soit offerte. Elle la confie à la garde du géant Argos, auquel rien n’échappe. Zeus demande alors à son fils Hermès de tuer Argos pour libérer Io. C’est ainsi qu’Hermès se présente en berger itinérant chez Argos et parvient à l’endormir en jouant de la flûte. Une fois le colosse assoupi, il lui tranche la tête. Héra récupère les cents yeux d’Argos. Elle les utilisera pour décorer la queue de son animal favori, le paon.


À première vue, il n’y a aucun rapport entre la légende d’Argos et la situation dans laquelle nous nous trouvons à présent. Mais il faut savoir comment interpréter les mythes. Le géant Argos, avec une centaine d’yeux répartis sur la tête, dont une moitié dort pendant que l’autre veille, est l’équivalent de la presse de gauche et de la presse de droite, qui surveillaient sans cesse Marianne (symbole de la liberté) en des temps beaucoup plus calmes. À cette époque la dialectique hégélienne marchait encore : un coup à droite, un coup à gauche, et on se retrouvait finalement au centre, avec Marianne au poteau et sans aucun changement.


Comme je viens de le dire, ceux qui nous gouvernent (et ceux qui les manipulent) savent parfaitement ce que nous voulons. Ils vont donc offrir de sauver notre jeune et belle Marianne, transformée en génisse blanche, à condition que leur candidat au pouvoir soit élu. En attendant ils partent se battre contre l’ennemi fictif, créé pour détourner l’attention du vrai but : le maintien des privilèges de l’élite, le resserrement du collier tressé par les GAFA et la survivance d’une presse liberticide aux ordres du mensonge permanent. Transformer Marianne en Marine, voila le but ultime. Personne n’en voudra, sauf les bœufs, et la formule pourra être époussetée pour l’élection suivante. Si elle a lieu… si la pandémie est maîtrisée…



Afin de contrecarrer ces dessins néfastes, il suffirait de tuer les GAFA, car ce sont eux qui surveillent. Zeus en a fait une action hermétique et tout le mystère est peut-être là. Hermès porte le caducée: baguette qui avait une vertu somnifère. Dans la légende d’Argos, le sommeil hermétique précède la mort.

Et une vidéo toute courte en bonus :





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